Hollywood Boulevard by Benjamin Melanie

Auteur:Benjamin Melanie [Melanie, Benjamin]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2018-04-15T00:00:00+00:00

* * *

1. Infection apparentée aux engelures et qui, dans les cas les plus graves, pouvait causer la gangrène et nécessiter l’amputation.

2. L’United States Army Signal Corps (Corps des signaleurs) est une unité de l’armée américaine créée en 1863 dont la fonction est de développer, tester, fournir et gérer les communications et les systèmes d’information pour le contrôle et le commandement des forces armées combinées.

11

Mary

* * *

Hiver 1919

Des années plus tard, Mary passerait de longues heures à regarder les photos de cette époque-là, émerveillée de sa jeunesse, de sa minceur, et de la beauté de sa chevelure. Elle penserait alors : « Quand on vieillit, se voir quand on était jeune, c’est comme revenir à une promesse qu’on n’a pas tenue. Et malgré tout, vous vous regardez, vous vous émerveillez. Vous vous souvenez. »

Autre chose aussi la ferait revenir sans cesse sur ces photos, des photos d’elle, de Charlie et de Douglas ; elle avec Charlie et Douglas et Griffith ; elle avec Goldwyn et Griffith ; elle et tous ces…

Hommes.

Sur chacune des photos, Mary était la seule femme. À l’occasion, rarement, Fran se trouvait là, elle aussi, mais Fran n’avait jamais vraiment recherché ce genre de publicité. Mary se souvenait d’avoir toujours dû l’amadouer afin qu’elle accepte de poser ; Fran, qui obéissait à contrecœur, était si belle sur les photos que Mary la taquinait chaque fois à ce sujet.

« Pourquoi ai-je insisté pour que tu poses à mes côtés, Fran ? Tu es si belle que personne ne me remarque ! »

Toutefois, en disant ça, elle savait que ce n’était pas vrai. Sur chaque photo où elle était présente, c’était Mary qui attirait d’abord le regard. Surtout sur les photos où il n’y avait qu’elle et ses partenaires – tous des hommes.

Pour combien de photos avaient-ils posé, ces partenaires d’une entreprise encore embryonnaire, chacun d’entre eux à la fois terrifié et arrogant ! Combien d’interviews avaient-ils données ?

Les fous ont pris le contrôle de l’asile.

Un plaisantin avait dit ça, même si personne n’en revendiquait la responsabilité. Mary se doutait bien que cette phrase ne pouvait avoir été prononcée que par l’un des directeurs de studio ou des distributeurs, de ceux qui avaient accueilli la création de leur propre société de distribution et de production avec une jovialité feinte, mais surtout du mépris. Personne dans l’industrie du cinéma ne pouvait imaginer que des acteurs, des artistes, fussent capables de monter leur propre affaire ; qu’ils puissent produire et distribuer leurs propres films. Personne ne pouvait concevoir que des acteurs puissent empocher leurs propres profits. L’idée qu’ils puissent même le vouloir était inconcevable.

Et que cette femme puisse être l’une d’entre eux – c’était tout simplement inédit ! Et pourtant, c’était le cas. Elle était la première. Mary Pickford – actrice, productrice, philanthrope. Et, désormais, directrice d’une société de distribution et de production.

Tout avait commencé en novembre 1918. Tout de suite après l’armistice, quand Mary avait atteint le sommet de sa cote de popularité en vendant à elle seule plus de titres d’emprunt que Douglas et Charlie.

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